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Un Traumatisme toujours présent dans l’inconscient collectif du Martiniquais. Hommage à Frantz FANON

Un Traumatisme toujours présent dans l’inconscient collectif du Martiniquais: Hommage à Frantz FANON

              La Martinique de par son histoire, a connu un véritable trauma collectif. Trauma collectif qui désigne, un affect visant toute une société. Nous retrouverons ces caractéristiques à travers le comportement de l'homme noir vis-à-vis du blanc et des siens.

              Le langage, le choix de son, ou, sa partenaire, le comportement du noir face à l'autre, tout cela s'anormalisera, du fait d'un complexe d'infériorité que l'homme blanc lui aura assigné, et ce, depuis la colonisation.  C'est ce que Frantz Fanon a tenté de démontrer dans son ouvrage peau noire et masques blancs. Au chapitre 1, il nous parle du noir et le langage ou le créole, est vu comme un patois. Ce qui désigne un idiome populaire, rural, spécifique à une région et souvent cible de moquerie.  Il   est donc dépréciatif, dévalorisant, péjoratif pour le créole qui se veut une langue soit celle de la Dominique, d'Haïti, des Seychelles formée à partir des mots d'origines diverses (espagnol, vieux français, portugais...), mais, non considéré comme langue par la bourgeoisie antillaise, qui la réprime, au profit du français, qui se veut être une langue noble qui permet le respect, l'admiration.  Pour mieux s'adapter, il faut devenir blanc et parler comme le blanc. Je ne peux pas blanchir ma peau, je vais donc me blanchir par l'intérieur, tout comme Mayotte Caprécia. Souvenons-nous, que n'ayant pas réussi à noircir le monde, à l'âge de 5 ans, une fois devenue grande, elle se blanchit de l'intérieur, elle se fait blanchisseur, tel que l'énonce F. Fanon.  D'ailleurs, notons que l'analyse de Frantz Fanon dans son chapitre la femme de couleur et le blanc, ne sera pas admis par tous.  Christiane P. Makward, au contraire, décrit la jeune femme comme étant quelqu'un d'exceptionnelle et contraire à ce que Frantz Fanon énonce. Elle nous dit « en 1950 en tout cas, lorsqu'on était piqué au vif et que l'on avait la tribune, on fustigeait l'adversaire sans retenue. Ce fut le cas pour Mayotte Capécia dont on se souvient seulement parce qu'elle eut l'insigne (dés) honneur de faire l'objet d'une psychanalyse sauvage, celle qui constitue l'essentiel du second chapitre peau noire et masques blancs de Frantz Fanon (...) l'essentiel procès de fanon contre Capécia tient à ce que cette dernière déclare « naïvement » sans analyse préliminaire et à fortiori sans psychanalyse, son désir d'épouser un français. Car je dois le souligner qu'un blanc américain, comme l'indique expressément la Négresse blanche n'eut point fait l'affaire. » Les recherches entreprises par  Christiane Makward vers le milieu des années 1990 et publiées sous le titre Mayotte Capécia ou l’aliénation selon Fanon, permettant de rétablir la vérité sur « Je suis Martiniquaise ».  Nous savons désormais que la jeune femme qui a rédigé de faux autographes à la demande de son éditeur. Christiane Makward nous dira qu'il s'agit d'un mythe qu'elle se doit de défaire.

              Pour en revenir au peuple Antillais, ce blanchissement commencera par le langage. Pour ma par, si du temps de nos parents, la langue française était primordiale et le créole rejeté, de nos jours nous voyons un changement dans le sens où le créole n'est plus entièrement exclus. En effet, dans les écoles antillaises, on propose, en plus, des langues comme l'anglais, l'espagnol, l'allemand, l'apprentissage du Créole, pour ce qui le souhaite. De plus, en agglomération, nous voyons de plus en plus de jeunes antillais revendiquer leurs origines à travers le port de Tee-shirt avec imprimés. On y observe, une carte de leurs îles, ou le nom de leurs départements. Sinon ils se mettent à parler le créole. Si, parler le créole était interdit, en présence d'adulte, comme étant considéré comme un manque de respect.  Entre jeunes, le créole est utilisé, pour parler entre eux, ou encore parler pour ne pas être compris par l'étranger. Serait-ce assumer la culture telle que la évoquer Frantz fanon lorsqu'il dit, « parler une langue c'est assumer un monde, une culture », c’est-à-dire être fier d'être un noir, ou encore au contraire, affirmer que je suis un noir certes, mais pas n'importe quel noir. Un noir antillais, un noir qui n'est pas noir Africains ?

              Le port de tee-shirt avec des imprimés « 971, 972, 973, 974, madinina, gwada, gwadinina  etc.» désigne une appartenance à une communauté, or, c'est lorsque l'identité est menacée, qu'elle se donne à voir. Frantz Fanon, lui-même, nous le montre, dans son chapitre « le nègre et la psychopathologie », ou pour l'antillais, le véritable nègre ce n'est pas lui, mais le Sénégalais, lui est presque blanc, quasi blanc. Nombre de fois, nous voyons l'Antillais se vexer lorsqu'on le confond avec un Africain,  et ce, même aujourd'hui.  Pour mieux comprendre les explications de Frantz fanon, revenons un peu au colonialisme. Notons que durant l'esclavage, l'homme noir a été considéré comme « un acheminement du singe à l'homme, personne ne songe à contester, ce sont des évidences objectives qui expriment la réalité». Il n'avait pas accès à la pensée, il ne pouvait se contenter que d'obéir, l'homme noir était vu comme étant fort, mais dépourvu d'intelligence. De nombreux philosophes, comme par exemple le philosophe Sépulvéda affirme que certains peuples sont nés pour être dominés. Dans un premier temps ce fut les indiens, puis par la suite, après un débat avec le prêtre dominicain Bartolomé de las casas et lui-même, c'est l'homme noir descendant d'Afrique qui se devait d’être dominé. « S'il est clair que les indiens sont nos frères en Jésus-Christ, doués d'une âme raisonnable comme nous, en revanche il est bien vrai que les habitants des contrées sont beaucoup plus proches de l'animal. Ces habitants sont noirs, très frustes, ils ignorent l'art et l'écriture, ils n'ont jamais construit que quelques huttes. Légat : Oui, Aristote dirait qu'ils sont privés de la partie délibérative de l'esprit, autrement dit de l'intelligence véritable. Toute leur activité est physique, c'est certain, et depuis l'époque de Rome ils ont été constamment soumis et domestiqués (au colon). Des africains ont déjà fait la traversée ? Colon : Oui éminence. Depuis les premiers temps de la conquête. Ils s'adaptent vite au climat. Ils sont résistants. » (La Controverse de Valladolid, J-C. Carrière).

            La traite négrière fut un véritable trauma pour les peuples qui ont subi l'esclavage, or « les descendants deviennent les portes mémoires, les portes douleurs d'une histoire qui n'est pas leur histoire personnelle mais qu'ils ont reçue en héritage à leur insu. De fait, la transmission s'organise sur un mode inconscient. Ce qui implique le fait que les enfants héritent des secrets des non-dits, des non élaborés, des traces pathogènes, des contenus psychiques de leurs parents voire de leurs grands-parents. Comme le souligne Janine Altounian. «  S’il y avait secret et clivage chez le parent, alors l'enfant, incorporera au sein du moi, une crypte contenant, ses secrets originaires.  Soit un traumatisme dans la vie du sujet ». Il y a donc une transmission du trauma qui se fait à travers les générations. De plus, notons, une fois l'abolition de l'esclavage prononcé soit le 27 avril 1848 pour la France, une fois l'homme noir censé être à l'égal de l'homme blanc. L'homme blanc se comporte fasse au noir comme s’il parlait à un enfant. « Un blanc s'adressant à un nègre se comporte exactement comme un adulte avec un gamin ». Ce qu'évoque Frantz Fanon dans cet ouvrage nous l'avons retrouvé également dans un fait actuel qui a fait scandale en 2009 où Mr Alain Huygues Despointes, l'un des derniers békés de la Martinique, annonce que le métissage noir blanc est intolérable dans la communauté béké. Ce métissage est vu comme une non-harmonie, Il n'y a pas de mélange entre les descendants de colons et descendants d'esclaves, il faut préserver la race.

             D'autre part en 1960 l'un des parents de Bernard Ayot devant les camera de ORTF répondit à un reportage : «  c'est facile à mener des ouvriers noirs ? Le noir c'est comme un enfant, il faut être juste, on en obtient ce qu'on veut. Vous êtes un béké, qu'est-ce-que un béké ? C'est ce qu'il y a de mieux, le béké, ce sont les descendants des blancs européens qui se sont reproduit en race pure dans les colonies». Là encore, nous voyons une distinction entre l'homme noir et l'homme blanc. L'homme blanc n'a jamais considéré le noir comme étant un homme, ou son égale, alors comment l'homme noir peut-il se considérer à l'égale de l'homme blanc, si pour l'autre : le blanc, il ne l'ai pas ? C'est de là qu'on peut rejoindre le témoignage de Frantz Fanon, dans le sens, ou l'homme noir pour exister en tant qu'homme doit devenir blanc, se rapprocher du blanc. Il y aura aliénation de l'homme noir.

                 « Tout peuple colonisé, c'est-à-dire tout peuple au sein duquel a pris naissance un complexe d'infériorité, du fait de la mise au tombeau de l'originalité culturelle locale, se situe vis-à-vis du langage de la nation civilisatrice, c'est-à-dire de la culture métropolitaine. Le colonisé se sera d'autant plus échappé de sa brousse qu'il aura fait siennes les valeurs culturelles de la métropole. Il sera d'autant plus blanc qu'il aura rejeté sa noirceur, sa brousse. Dans l'armée coloniale, et plus spécialement dans les régiments de tirailleurs sénégalais, les officiers indigènes sont avant tout les interprètes. Ils servent à transmettre à leurs congénères, les ordres du maître, et ils jouissent eux aussi d'une certaine honorabilité. ». L'expression "échapper de la brousse" est évidemment ironique. Elle s'inspire de l'image conventionnelle du nègre vivant en pleine nature dans une condition de vie proche de celle de l'animal.

             Dans ce 1er chapitre, nous voyons que l'homme Noir, tout comme l'homme blanc n'accepte pas la couleur noire, Il y a comme un rejet, de cette culture noire. Un rejet de cette langue maternelle : le créole. Fanon nous le dit : l'antillais devra choisir, soit de monter vers la civilisation blanche, soit de régresser vers la famille noire. Depuis notre jeune âge, Winnicott relèvera chez l'enfant, l'angoisse du 8ème mois, face à l'étranger. La mauvaise mère est rejetée sur l'étranger, j'irais plus loin en disant, que pour ma part, il est en de même pour adulte, on accueille difficilement  une culture qui est différente de la nôtre. Lorsque, nous sommes face à un étranger, il y a une peur de celui-ci, une peur de l'étranger. On projette le mauvais sur l'autre. Notons que l'étranger se trouve à l'extérieur de nous, mais également à l'intérieur de nous. Cet étranger qui est en nous c'est l'inconscient. L'étranger qui est à l'extérieur de nous c'est l'autre. Le moyen de se guérir de cet étranger, c'est de le ramener au même. Ramener l'autre au même. Dans la colonisation par exemple, le blanc sauvait le noir en lui apportant la culture Blanche, comme le christianisme par exemple. Selon moi, dans la civilisation noire antillaise, le noir veut se sauver également du noir qui est en lui, en rejetant la culture noire qu'il possède. L'homme noir Antillais incorporera la langue Française pour mieux se sentir accepté.

            Frantz Fanon, dans son chapitre « le nègre et la psychopathologie », nous montre que le noir c'est le mal, c'est Satan. Cela peut paraître risible à évoquer un chanteur de rap Martiniquais Neg Lyrical dans une critique, mais pour ma part, cela prend subitement de l'importance lorsqu'on voit l'intitulé de sa chanson : «  la langue est piégée ». On observe que la langue n'offre aucune issue de secours, qu'elle l'emprisonne, et c'est en écoutant la chanson que l'on voit qu'elle emprisonne l'homme noir.  Dans sa chanson, interprétée en l'hommage de Frantz fanon, il reprend les idées fars de l'auteur. Il évoque que la langue Française, elle-même dénigre la couleur noire, par exemple lorsque nous faisons référence, au chat noir, cela porte malheur ou encore lorsqu'on évoque la peur du noir, ou la magie noire, cela désigne le sorcier, la sorcellerie. Lorsqu'on parle idée noire, marché noir, cela fait référence au négatif, au mauvais à la crainte du mauvais. Alors qu'en revanche lorsque l’on évoque la magie blanche, sortir d'une affaire les mains blanches, être blanc comme neige. Cela évoque le bien, le positif, la pureté. J'irais encore plus loin dans mon interprétation, dans les sociétés occidentales, lorsqu’une personne meurt, on s'habille en noir, cela représente le chagrin, la tristesse, lorsqu'on est en deuil, on reste habillé en noir durant 1 an, on peut le retrouver dans les sociétés de confession catholique par exemple. En revanche, lors du mariage, la femme est habillée en blanc, signe de pureté, qu'elle n'a connu aucun homme. Le blanc représente la pureté.  Le noir la tristesse. On peut donc dire en incorporant la langue française, et en renonçant au créole on incorpore le bien, le blanc, et on rejette le noir. Maîtriser la langue française est vitale pour le Noir antillais. Historiquement parlant, « il faut comprendre que le noir veut parler le français car c'est la clef susceptible d'ouvrir les portes qu'il y a 50 ans encore lui été interdite ».

               Nous voyons donc, que Frantz fanon part d'une situation indéniable: le rapport dominant (la civilisation blanche) et le rapport dominé (la race noire déportée d'Afrique vers les colonies d'Amérique) ; cela entraîne forcément un complexe d'infériorité dont le symptôme est son aliénation linguistique. On observe donc un respect abusif pour le langage du colon et par conséquent : la "mise au tombeau" qui se veut expression forte, soit la mise en sommeil de la spécificité culturelle de tout un peuple et de ses traditions.  Les colons le savent bien, ils veulent exterminer à tout jamais les racines culturelles africaines de l'homme noir et lui créer par la force une autre personnalité avec un autre langage, en débaptisant les esclaves d’Afrique. Priver un homme de sa langue, c'est le priver de sa culture, de son identité ce qui peut provoquer des symptômes. On le voit bien, dans les théories sexuelles infantiles, l'enfant la première question qu'il se pose c'est d'où je viens ? Pouvoir répondre à ses questions est primordiale pour la bonne vie psychique du sujet.

            Fanon montre qu'adopter une langue, c'est penser dans cette langue et donc accepter ses valeurs. Il fait également référence aux officiers de l'armée sénégalaise sachant parler le français. La maîtrise de la langue permet une discrimination au sein d'un peuple. On y retrouve « les dominants blancs (maîtres), les semi-dominants (noirs cultivés) et les dominés (peuple noir soumis aux ordres). » On voit là, un véritable traumatisme du nègre. Jamais dans l’histoire de l’humanité une couleur de peau n’aura provoqué un tel mépris, une telle dévalorisation, à un point si extrême que ceux qui en sont porteurs à quelques degrés que ce soit n’ont que le choix binaire : ou l’intégrer comme une tache à effacer, ou la revendiquer comme un honneur. En réalité, c’est une seule et même chose : la noirceur est source d’une excitation difficilement tolérable. L’ostracisme à l’égard des Tamouls indo-martiniquais repose lui-même sur la couleur noire de leur peau. Leur pratique religieuse différente est un facteur négligeable. Des hindous blancs n’auraient jamais fait les frais d’une telle hostilité. Aimé Césaire, rajoute, avoir eu le sentiment d'être trahi par certains ancêtres africains, lorsqu'ils ont été vendus à des racistes.

            Nous voyons également, chez fanon que l'homme et la femme noire voulant être avec le blanc, veut sauver la race, blanchir la race, c'est parce que le noir est vu comme étant le mal, comme étant inférieur, qui faut tenter de le rendre supérieur en le mélangeant au sang blanc. C'est par le sang blanc que vient l'intelligence du noir, tel était la vision d'autres fois, c'est par le mélange avec le sang blanc que vient la beauté, et j'irais même jusqu'à dire que c'est toujours d'actualité. Bien sur plus caché, dit autrement, mais lorsque nous voyons un enfant métisse, d'un parent noir et de l'autre blanc. On s'extasie devant l'enfant, on s'empresse d'aller dire, « oh qu'il est beau ! Alors que pour un enfant très foncé, on n’aura pas le même engouement». La société antillaise, cherche le métissage; la France elle-même est métissée, que ce soit d'un parent blanc et noir, ou encore, d'un ami, ou d'une connaissance d'une autre culture, d'un autre pays.

            Pour revenir à la société Antillaise, le trauma se transmet, de génération en génération et tant que les faits ne seront pas reconnus, alors le traumatisme persistera. Tant qu'il n'y aura pas eu un combat pour obtenir justice, alors le trauma sera toujours présent. Or, la reconnaissance, n'a pas véritablement été faite. En 2001, la communauté béké n'a pas admis le crime contre l'humanité, lois admises cependant par la loi française. Pour l'antillais, l'abolition de l'esclavage a été faite comme un don, c'est l'homme blanc qui a dit tient, je te donne ta liberté, il n'a eu qu'à dire merci. Contrairement aux Etats-Unis, où le combat s'est imposé. Il n'y a pas eu de vraies reconnaissances des faits, or lorsque les traumatismes collectifs ne sont pas élaborés psychiquement et reconnus par la société, par l'histoire, ils vont avoir tendance à se répéter. À n'importe quel instant, le noir peut se sentir menacé, et le blanc le lui rappeler.  Nous savons qu'une névrose traumatique est liée essentiellement à un événement violent. Par généralisation, on observe le retour répétitif chez les sujets ayant été confrontés à des incidents terribles et horribles y compris à l'âge adulte de la scène insupportable. Le sujet peut, par exemple la revivre en rêve, ce qui oblige à compléter la définition, du rêve comme réalisation du désir. Pour ce qui s'agit du noir antillais, la névrose traumatique, s'est transmise aux enfants; et elle se caractérise par un désir de revendication, par une névrose obsessionnelle. Par une volonté de prouver qu'il n'est pas moindre. Et si on se réfère à Adler et à Fanon. Le Martiniquais ne se compare pas au blanc, mais à son semblable sous le patronage du blanc. Et en ce qui concerne l'enfant Antillais, l'événement traumatique, c'est la rencontre tardive, au sortir de la première enfance et de la famille, avec une série d'énoncés et d'images valorisant le Blanc et dénigrant le Noir, conduisant l'enfant à s'identifier à la position valorisée, à se placer du côté du héros (le Blanc) et à se dénigrer, lui-même et les siens.

            Ainsi pour conclure, nous pourrons dire, de par le passé, jusqu'à aujourd'hui, les traces de l'esclavage, sont restées encrées dans la culture antillaise. Il y a eu une transmission du trauma à travers les générations. Que ce soit au niveau de la langue, des relations sentimentales, ou  du comportement qu'il aura avec l'homme blanc, l'homme noir s'anormalisera devant lui.  L’auteur O. Mannoni, dans psychologie de la civilisation a tenté d'expliquer le comportement du colonisateur Blanc. D'ailleurs l'ouvrage peau noire et masque blanc était une réponse O. Mannonni. Fanon, lui reprochait de psychologiser la situation coloniale et de réduire les conflits entre l'homme blanc et l'homme noir à un jeu sophistiqué qui conduisait à maintenir le colonisé sous la dépendance du colon.

            À la suite de cette critique, Mannoni entretient avec son propre livre, une relation ambivalente. À vrai dire, dans ce débat, Bronislaw Malinowski, et Géza Róheim avaient déjà discuté les écrits de M. Mannoni, à propos de Totem et Tabou et de la portée universelle ou non du complexe d'oedipe dans l'ensemble des sociétés humaines. Si Mannoni, avant même de devenir Freudien, défendait des positions universalistes corrigées par la phénoménologie, Fanon en refusant le Freudisme adoptait le principe d'un culturalisme cimenté par l'engagement anticolonial. C'est pourquoi il congédiait la psychanalyse pour sa prétendue incapacité à prendre en compte l'identité noire. Pourtant pour construire sa théorie sur l'identité noire, il s'appuyait sur la notion du stade du miroir de Jacques Lacan. Elle lui permettait de critiquer la psychiatrie coloniale fondée sur une classification raciste et de distinguer l'approche culturaliste de la subjectivité de la psychologie des peuples et du différencialisme. Après ce bref aparté, selon moi, l'esclavage a laissé de grandes traces dans le comportement de l'homme antillais. Ce sentiment d'infériorité est présent, même s’il tente d'inverser la situation, en sentiment de supériorité. Le trauma est toujours là. Le fait de ne pas savoir, d'où je viens, de quelle partie de l'Afrique je suis issu, toutes ces questions qui demeurent présentes chez le peuple antillais, chez le peuple noir ayant, subit la colonisation de l'homme blanc pose problème. Dans Roots, racine, un jeune auteur retrace son histoire, où il a fait 7 ans de recherches, pour pouvoir répondre à la question, d'où je viens, d'autres acteurs Américains, essayent à partir de test ADN de savoir de quelle partie de l'Afrique, ils pourraient être issus. Tout cela pour dire que, dans la société antillaise, on peut aborder la question des transmissions Transgénérationnelle, transmission qui se fait de manière inconsciente, avec les notions de fantômes et crypte, concept que l'on doit à Maria Torok et Nicolas Abraham. 

            D'ailleurs, Serge Tisseron reprend ces concepts et l'étudie à partir de la compréhension du traumatisme dans la filiation. Ce que nous pouvons dire c'est que leurs travaux permettent de comprendre par quels mécanismes un événement non élaboré, un secret ou un non-dit, un événement « innommable » peut se transmettre à travers les générations, devenant à la génération suivante un événement « impensable » pouvant conduire au fil des générations, à des pathologies somatiques ou psychotiques, voire  à des symptômes apparemment dénués de tous sens chez différents membres dépositaires à leur insu de ce secret. Nous pouvons dire que ce qui est traumatisant pour le sujet, c'est le fait que les événements  n’aient pas été élaborés par ceux qui les ont vécus, ce qui conduit alors à la transmission à travers les générations d’éléments non transformés devenus secrets.

             De plus, ce qui n'est pas dit, sera présent psychiquement chez le porteur du secret, les descendants vont à leur tour porter, le traumatisme à travers le fantôme, c'est ce qu'énonce M. Torok. On retrouve la « question du clivage, le clivage du moi survient à partir d'une cassure de la continuité psychique et c'est ainsi que la crypte va se former. Et que le déni va porter sur l'ensemble du problème psychique en cause ainsi, le traumatisme, qui n'est ni assimilable, ni introjectable pour l'individu, va se définir par un mécanisme d'inclusion, qui immobilise, dans une partie clivée du moi les composantes ».

           Pour René Kaes, les objets psychiques non transformables se transmettent de génération en génération et attaquent l’appareil psychique des membres de la famille. Il désigne par le terme de « transmissions négatives » où transgénérationnels, tous les éléments non transformés qui passent directement à travers les générations, demeurant finalement un corps étranger dans l’appareil psychique d’un sujet, rejoignant les concepts d’incorporâts familiaux, sortent de « ratés de l’introjection » et d’héritage transgénérationnels de Jean-Claude Rouchy (1998).

         On pourrait faire le lien, entre ce que nous évoque Serge Tisseron, lorsqu'il nous parle de la transmission du trauma et ce qu'a vécu le peuple antillais, ce qu'a vécu Frantz Fanon, ce que vit le peuple antillais de nos jours. Lorsqu’un événement n’a pas été élaboré et que son introjection par le sujet n’est pas possible, le mécanisme psychique en jeu est l’inclusion psychique au sein du Moi, dont la crypte constitue une des modalités. Abraham et Torok (1978) désignent sous le terme « travail du fantôme » au sein de l’inconscient, les modifications du fonctionnement psychique observées chez un enfant au contact d’un parent porteur d’une crypte.

           On pourrait supposer que c'est ce qu'a vécu Frantz Fanon. Pour Jean-Claude Rouchy, la transmission transgénérationnelle de la crypte où du fantôme, qu’il considère plutôt comme une « transfusion », semble s’opérer d’un corps à l’autre dans l’indistinction, relevant à la fois d’éléments physiques, mentaux, psychiques et physiologiques (Tisseron, 1995, p. 160). L'Antillais, de par son histoire, a subi une transmission trangénérationelle du trauma; ce qui a provoqué une aliénation du sujet ou encore des névroses obsessionnelles et ce n'est que depuis peu, avec Aimé Césaire que l'antillais peut mettre des mots sur  cette histoire qui a tant marqué le peuple Noir ayant subi la colonisation. Et je terminerais avec une citation d'Aimé Césaire: 

« Il y a chez moi ce besoin de rugir parce que les Antillais, descendants d'esclaves, êtres déchirés, ont étés opprimés, dépouillés de notre langue et de notre terre ». Aimé Césaire, interview

 

Bénédicte ODIN

 

Bibliographie

Cesaire. A,1950 Discours sur le colonialisme, Paris, Réclame.

Christiane Makward,1999 Mayotte Capécia ou l’aliénation selon Fanon, Paris, Karthala. 

Fanon. F,1952 peau noire, masques blancs. Paris,Seuil,

Minkowski,1927,La schizophrénie,michigan,Payot

Jean-Claude Carriere, La Controverse de Valladolid (1993), chapitre 15, pages 247-

250.

PLON, M; ROUDINESCO, E. 2006. Dictionnaire de la psychanalyse . Paris: Fayard .

 

L'adolescence: une quête identitaire parsemée d'embûches

L'adolescence: une quête identitaire parsemée d'embûches              

                Ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle que le terme «  adolescent » est rentré dans le langage. Toutefois, il ne devient populaire qu'à partir des années 40.  Ce concept d'adolescence a longtemps été ambigu dans notre imaginaire, ne sachant pas réellement où la situer. Cependant, si on effectue une étude linguistique, on la localiserait après l'enfance. En effet, l'étymologie du terme "adolescent" remonte à la fin de l'antiquité, sa racine latine «  adolescere » devient au participe présent « adolescens », ce qui signifie « qui est en train de grandir ». Aussi, l'on pourrait situer son commencement à la puberté et sa fin à l'âge adulte. 

                De nombreux travaux, comme par exemple ce de J. Rassial tendent à démontrer que l'adolescence serait une période de crise et de turbulence liée  aux changements corporels, à une quête identitaire, ainsi que de son rapport à l'autre et son rapport à soi-même. Selon J. Rassial, il s’agirait d’une  phase qualifiée de « pas tout à fait ». Cette étape engendrerait un bon nombre de conséquences sur le comportement des adolescents, dont les fameuses « crises ». L'adolescent n'est pas tout à fait enfant, pas tout à fait adulte. Il doit se contenter de "dons" fait par l'adulte « sous forme de cadeaux».   L'ayant bien compris, ce dernier usera de son rapport à l'autre (autre qui se veut extérieur à lui-même), et réclamera son droit à l'argent de poche.

                  Selon une enquête faite en 2006, « les parents n'ont pas diminué le montant de l'argent de poche distribué (en moyenne 17,70 euros par mois). Ils sont moins nombreux à en donner et en surveillent davantage l'usage » (le figaro).  Aussi, bien que l'argent de poche reste tout de même ancrée dans les mœurs, l'adolescent peut se voir refuser l'une de ses requêtes. Ce qui qui provoque son animosité.  Ne voyons-nous pas des adolescents se mettent en colère lorsque leurs demandes est rejetée ? N’entendons-nous pas de leurs bouches des phrases exclamatives tels que «Rrrrr je te déteste ! » ou encore « ce n'est pas juste ! » Etc.  Et si les parents contestent le droit à une  sortie, ou encore à de l'argent de poche, certains adolescents iront même jusqu'à s'enfermer dans leur chambre en claquant la porte.

 Cette attitude s’explique par le fait qu'il voit son corps semblable à celui de l'adulte. Il ne tolère donc pas que ce dernier ait de l'autorité sur lui.

                 L’on explique ce comportement par le fait que le complexe d'œdipe, renvoie à la pensée « lorsque tu seras grand tu pourras » or une fois devenu grand, une fois le corps est devenu semblable à celui de l'adulte, l'adolescent ne voit pas l'accomplissement de la promesse oedipienne,  et supporte de moins en moins, la proximité avec le parent.  La modification du corps entraine donc la quête de son identité. Autrefois les parents étaient vus comme des modèles pour les enfants, à l’adolescence, ces mêmes parents deviennent honteux. L'interdit est mal accepté, voire même refusé par l'adolescent. D’ailleurs, certains adolescents vont même au-delà de l'interdit car cela « entrave sa liberté ».

                 Ce droit à la liberté passe par des mises à l’épreuve. Dans les sociétés occidentales, certains adolescents se croyant immortels iront jusqu'à tester les limites de leur corps. Ils se réfugieront dans l'alcool, la drogue, ainsi que dans les skins party dans lesquels il n’y a aucun interdit, ni limites. Certains, à la suite de cela, prendront le volant en état d’ivresse, donnant lieu à des accidents de voitures.  D'autres, s'amuseront à des jeux tels que le Rali (courses de voitures), ou encore des jeux du foulard (expérience consiste à restreindre l’afflux d’oxygène dans le cerveau). Les tournantes (pratique sexuelle durant laquelle une jeune fille effectuera successivement un grand nombre de fellation) font également partie de ces activités pratiquées. Ce qui a allure d'un jeu pour certains, peut vite « tourner au cauchemar » entrainant parfois la mort de l'un d'entre eux.

             Si nous connaissons les interdits universels, tels que, l'interdit de l'inceste, ou encore l'interdit du meurtre. L'adolescent, peut parfois avoir du mal à accepter ces interdits. Comme nous le dit J. Rassial « le drame de l'adolescence, n'est pas celui de l'ignorance, mais d'avoir du savoir en trop mal refoulé.  Après l'oedipe ; l'adolescence est la seconde véritable rencontre des limites à une toute-puissance infantile, artificiellement retenue pendant la période de latence. Elle se confronte à l'interdit symbolique, qui constitue l'axe de la langue où se promettait la jouissance, l'impuissance imaginaire, qui affecte le corps construit dans l'enfance comme positivation du négatif, et l'impossible réel, d'un axe sexuel qui fonde le rapport à l'autre. » Quoi qu'il en soit, cette rencontre avec les limites peut être mal acceptée. L'adolescent, cherchera alors, sa propre identité.  

               Cette quête identitaire se laissera souvent influencer par les médias. En effet, les jeunes prennent  souvent pour modèles les stars, affichant parfois des posters dans leur chambre. Les jeunes filles veulent ressembler à leurs chanteuses ou actrices préférées, et demandent aux parents d'avoir les mêmes vêtements, les mêmes coiffures que leurs idoles. Les garçons s'enferment dans leurs chambres, afin de parfaire leur éducation sexuelle à travers les  films pornographiques. Ils considèrent comme vrais ce qu’ils ont vu et tentent de reproduire  avec leurs petites amies ce qu’ils ont appris. L’inverse est de plus en plus observé chez les jeunes. On retrouve de plus en plus de filles devant des films érotiques et des garçons devant leur miroir à s’identifier à leur star. D'ailleurs, lors de l'émission « les jeunes consommateurs et victimes », diffusé sur Arte le 27 mai 2008, animé par Daniel Leconte, il nous l'explique très bien,  je cite « Si l’âge de la première relation sexuelle se situe autour de 17 ans, les jeunes semblent vivre des expériences étonnantes de plus en plus tôt et le phénomène semble même se banaliser. Dans certaines cours d’écoles et de collèges, la tendance est à la fellation et à la masturbation, les vestiaires et les toilettes sont parfois sous haute surveillance et la mode est au « fuck friend », symbole d’un sexe consommé pour être immédiatement jeté aux oubliettes, à l’image d’un produit éphémère sans autre intérêt, que le plaisir qu’il procure dans l’instant. »  Les images véhiculées par internet ont des tendances néfastes sur le sujet,  d'ailleurs, comme le dit le psychiatre et sexologue Philippe Brenot, « le porno est le plus mauvais modèle qui soit en terme de sexualité : corps morcelés, gros plans sur les organes génitaux, cadences accélérées, violences des gestes et des mots… Cela génère de la dévalorisation de l’autre et de soi ».

            D’autres adolescents prendront modèles sur des films qui véhiculent l'image de la violence et de la consommation de produits illicites. Ils penseront être « cool » et dans l’air du temps. On observera alors la création de « gang » calquée sur  les films Américains. Armes, règlements de comptes, homicides, vols, consommations de drogues, musculations, prostitutions se retrouvent à être des modèles identificatoires. Face aux médias, cet interdit du meurtre peut se voir bravé et non respecté par ces jeunes, en allant au-delà de l’interdit. Heureusement ces interdits peuvent parfois être sublimés. La musique, l’art peuvent être des médias sublimatoires. Aussi le Hard-rock, le Rap, les graffitis … semblent être utilisés par l’adolescent pour communiquer, exprimer des émotions, mettre en mots les interdits. Si les garçons, semblent préférer l'art graphique, les filles semblent  plus attachées à leur journal intime.

              Si certaines de ces activités se pratiquent seules, d’autres se font en groupe. Avoir son groupe d’amis semble important pour le jeune. J. Rassial nous parlera de la formation de « bande », plus précisément il nous dira « Toutefois, l'adolescent peut fonder dans les jeux légaux de son exclusion, en ce qui laisse d'impossible symbolisation, la raison d'une autre loi, celle de la « bande » ou de la « secte », où se mesure le rapport entre la limite et la période double aspect de l'adolescence ». Je me permettrais d’ajouter qu’être en bande, c’est avant tout montrer son appartenance, c’est créer son identité. En affirmant être de tel quartier, de telle origine, indirectement j’affirme que je « suis ».  Survient alors la question du commencement.

            J. Rassial nous dira « autant le fantasme d'une autre famille agite l'enfant, autant la lignée généalogique, parce que la ressemblance introduit la dimension infinie du temps, est en jeu pour l'adolescent. Si le père pour l'enfant occupe la place de l'Autre, la référence aux grands-parents désigne un impossible Autre de L'Autre ; que le père ait un interdit de le désigner à l'origine symbolique. C'est pourquoi la question de Dieu se pose pour l'adolescent, il est ce à quoi il a droit, à savoir le représentant ultime d'une transmission sans autre objet que symbolique, sans autre sens que le deuil d'un meurtre. Il reste toujours à tuer Dieu, c'est-à-dire à le reconnaître tel qu'il est offert alors irreprésentable, excédant la tradition qui le produit, à cette place laissée vide en A, quand le père ce révélé mortel. ». Certes, si la question de Dieu se pose, c'est surtout les questions « d'où je viens et qui suis-je? », qui se manifestent chez l'adolescent. C’est d’ailleurs les mêmes questions que se pose l’enfant. Toutefois, l’adolescent croit y répondre grâce à une citation biblique : « Tu es mon Fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » (Luc 3, 22, La bible), soit le fils de Dieu. Le père serait alors Dieu. C'est d'ailleurs, ce que Odile Falque mettra en avant, dans son article le dieu des adolescents.

                 En effet, elle nous dira que la question « qui suis- je ? » est posée par l'oedipe, je la cite: « dans la question « qui suis-je ? » posée par Œdipe à l’Oracle de Delphes, la psychanalyse entend dans la vie fantasmatique : « Tu tueras ton père; tu épouseras ta mère »; destin incontournable, mythe organisateur dans l’inconscient et dont les interdits dans leur réalisation (interdit du meurtre et de l’inceste), semblent devoir régler les rapports entre les humains dans les différentes cultures. À la question : « qui suis-je ? » posée par l’adolescent croyant, le deuxième récit biblique de la création répond en mettant en scène Adam et Ève désobéissant à la loi de Dieu, ce qui entraîne la « chute » (Gn 2,3, la Bible) ».  La désobéissance au père entrainerait la chute.

              Par ailleurs, comme le dit J. Rassial « la ressemblance avec les parents se découvre comme possibilité de l'acte sexuel qui, pour l'adolescent, est mesuré par un rapport impossible entre la répétition, et la reproduction. Répétition qui se manifeste lors de la scène primitive et la reproduction, qui se caractérise par le fait d'être pris dans la chaîne des générations, et où la différence sexuelle et de génération, n'est transcendée que par la transmission du nom ». Là encore, nous voyons que l'adolescent est pris dans ce rapport répétition et reproduction. Pour certains adolescents le fait de dire tu ressembles à ta mère ou ton père, peut parfois être mal accepté, par celui-ci étant donné qu'il serait vu comme une copie de l'image parentale, or, s’il est à la quête de sa propre identité, il cherchera à être lui-même, à être unique en son genre. 

                 Notons, l'importance de la transmission du nom. D'ailleurs, Lacan nous parlera du Nom-du-père. C'est parce que le père réel joue un rôle important à la formation de la structure oedipienne, c'est parce qu'il agit comme étant un tiers séparateur, séparant la mère de la  relation symbiotique qu'elle a avec le nourrisson, que l'enfant pourra rentrer dans le langage. Le phallus, servant comme élément d'introduction du langage. Ce Nom-du-père est en articulation avec le Non-du-père, posant l'interdit. Le père est donc celui qui nomme, celui qui reconnaît l'enfant comme étant son fils et celui qui interdit. Et il en est de même pour le Père créateur qui reconnaît l'homme comme étant son fils, et qui pose les interdits. D'ailleurs, lors de la prière quotidienne, nous dirons « Notre père qui est aux cieux ». Si la mère, du faite qu'elle porte l'enfant peut signifier que c'est le sien, le père ne peut pas, rien ne garantit qu'il est le père de l'enfant si ce n'est qu'il porte son nom, et c'est par cela que la transmission, du nom se fera de génération en génération. On note une grande importance de cette transmission du nom. Si de nos jours, en France, la mère peut reconnaître son enfant, le père quant à lui, s’il admet qu'il est le père de l'enfant, peut se voir offenser, si son nom n'a pas été transmis à son enfantC'est d'ailleurs, ce que j'ai pu observer chez une jeune femme française, avec qui j'ai pu avoir un entretien, elle ne comprenait pas pourquoi, son conjoint Haïtien, se sentait offensé, lorsqu'elle voulait donner son nom à l'enfant. Pour elle cela pouvait sembler normale de transmettre son nom, ou encore d'allier les deux noms, mais pour le père et la famille du père,  ayant eu une éducation traditionnelle, ils se sont sentis offensés, refusant d'accepter les conditions de la jeune fille. Cette dernière n'a pas eu son mot à dire, le père est parti à la mairie sans son accord afin de lui transmettre son nom. Cela a crée tout un conflit. La transmission du nom a toute son importance.

                Dans son ouvrage, le passage adolescent,  J. Rassial évoque les jeux de séduction, je cite : « ce dont témoignent les jeux de séduction, le revers étant que l'homme accrochant des signifiants au nom de l'Autre, dans l'épreuve du baratin restera aveugle aux appels du regard, tandis que la femme, s'affichant comme signifiant au regard qu'elle prête à l'autre, sera sourde à cette voix qui lui demande ce qu'il en est de sa jouissance ».

S’il est vrai que le regard prend de l'importance à l'adolescence, il en est de même pour le « être regardé ».  C'est ce que nous constatons dans l'anorexie mentale; Gilbert Hubé nous dira « à l’adolescence, au moment d’un vacillement de l’idée de soi, lorsque « ce quelque chose qui supporte le corps comme image » demande à être de nouveau reconnu par l’Autre et cherche une place dans son regard, il arrive que l’idéal du moi défaille ou soit démenti : alors, une anorexie vient témoigner du rapport entre identification et pulsion et faire symptôme de l’impasse du stade du miroir constituée par l’invidia, l’envie. L’anorexie serait la monstration d’un rapport non symbolisé à une jouissance présentifiée en l’autre. La dimension d’artifice du phallus, sa symbolisation aurait échoué devant le trop de réel de l’anatomie que l’Autre, son regard, n’a pu élever à la dimension symbolique. Le sujet en est le reste, il y tient en une unité sans narcissisme. » 

             D'autres adolescents pourront rechercher l'amour qu'ils n'ont pas eux, lorsqu'ils ont été enfants, en faisant eux-mêmes des enfants, on retrouve d'ailleurs un bon nombre de mères-adolescentes.

             Si l'identité se construit, et, est toujours évolutive au cours de la vie, c'est-à-dire qu'elle se transforme au cours de l'existence et plus particulièrement au cours de l'adolescence, nous pouvons également dire que l'identité « est donnée, on ne choisit ni son sexe, ni sa famille, ni son lieu de résidence. De même, on ne choisi pas non plus, ni de naître, ni de naître de notre espèce sur notre planète » (Daniel Calin, construction identitaire et sentiment d’appartenance). C'est donc les parents, qui à travers le langage verbal ou non verbal, transmettent à l'enfant une identité. L'enfant aura reçu de la part de ses parents toute une culture,  une histoire, des rites, des mythes familiales, mais recevra également tous ces éléments indicibles ancrés dans l'histoire familiale. Ce contrat narcissique dont parle P. Aulagnier, permettra la transmission, de ce qui a trait à la culture, et par conséquent, l'identité humaine, se construit à partir des autres, à partir de cette altérité.

CONCLUSION

              Si l'adolescent au cours de la quête de son identité, traverse de nombreuses crises liées à la fois au changement du corps, mais également de la supercherie de la promesse oedipienne, il n'en demeure pas moins que c'est une étape nécessaire, universelle pour chaque individu. Erickson nous dira que l'identité émane de « conflit spécifique à l'adolescence, au moment où se réalisent de nouveaux investissements affectifs et de nouveaux engagements dans des idées théoriques et dans des rôles sociaux ». La construction identitaire de l'adolescent, se fera en premier lieu dans sa famille et sera influencée par l'univers culturel et social, dans lequel il évolue. à partir de cela, la formation de sa personnalité, s'effectuera. Et je terminerais avec une citation de Michel Houellebecq qui dit:

« Je répondrai que l'adolescence n'est pas seulement une période importante de la vie, mais que c'est la seule période où l'on puisse parler de vie aux pleins sens  du terme.»

ODIN Bénédicte

BIBLIOGRAPHIE

             - Articles

Le figaro, article du 1 aout 2008.

Michel Fize « De l'interdit à l'inter-dit », Pensée plurielle 1/2006 (no 11), p. 69-73. ).

Odile Falque « Le dieu des adolescents. », Imaginaire & Inconscient 3/2003 (no 11), p. 129-144.

            •           Dictionnaires

Larousse, édition 2008

Laplanche,J; Pontalis,J-B.2009.Vocabulaire de la psychanalyse.Paris. Puf

Reverso, Dictionnaire en ligne.

            •           Émission

Les jeunes, consommateurs et victimes, diffusé sur Arte le 27 mai 2008, animé par Daniel Leconte       

            •           Ouvrages

F. H. Erikson, Adolescence et crise de l'identité , Paris, Flammarion, 1979.

FREUD Sigmund, 1993. Totem et tabou. Gallimard, Paris. Traduit de l’allemand « Totem und

tabu », 1ère édition 1913.

Rassial, J.J, 1996. Le passage adolescent. Ramoinville Saint-Agne, Eres.

La bible, version Louis Second 1910

          - Site web

D.Calin ; Construction identitaire et sentiment d’appartenance, 1999-2000 : http://dcalin.fr/textes/identite.html